04 janvier 2006

livres que je n'ai pas lu



Je n'ai pas fini de lire Eumeswil, de Ernst Jünger ( 1895-1998) : l'histoire est celle du pays donnant son nom au livre. Un jeune historien est arrondit ses fins de mois comme steward pour le dictateur régnant, ce qui lui permet de partager l'intimité des puissants. Il se découvre le même dédain que son employeur pour les démocrates qui essaient vainement de conspirer . Lui-même se définissant non pas comme un anarchiste, mais comme un "anarque" -l'anarchiste étant pour lui ce que le monarchiste est pour la monarchie.

Malgré des passages très poétiques, j'ai fini par lacher prise : les grands sujets évoqués - les utopies philosophiques et politiques, l'histoire en tant que science, la faillites des grands systèmes et des penseurs- m'ont curieusement donné l'impression d'être d'un autre siècle. Tout comme le quart de couverture du baron perché d'Italo Calvino (que du coup j'ai renoncé à lire) : " une des inventions les plus étonnantes de toute l'histoire de la littérature : comment un enfant monté à douze ans dans les arbres y reste, comment l'homme y passe toute sa vie, pour prouver à ses contemporains ce que c'est que la liberté et l'intelligence et pour leur prouver qu'ils n'agissent, eux, qu'en balourds et en étourdis : pas seulement dans leur rapport à la nature, mais aussi bien dans leurs engagements historiques (nous sommes au temps de la révolution)..."

Ainsi, ces deux livres sont typiques du XXeme siècle. Mais maintenant que nous savons tout cela, que nous sommes même revenus du nihilisme, que nous reste-t-il à faire ? Jean Baudrillard a dit, à propos de l'art contemporain : "un aveu d'originalité, de banalité et de nullité, érigé en valeur, voire en jouissance esthétique perverse. Bien sur, toute cette médiocrité prétend se sublimer en passant au niveau second et ironique de l'art. Mais c'est tout aussi nul et insignifiant au niveau second qu'au premier. Le passage au niveau esthétique ne sauve rien, bien au contraire : c'est une médiocrité à la puissance deux. Ca prétend être nul : "Je suis nul ! Je suis nul !"- et c'est vraiment nul" (voir ici ).

L'on pourrait discuter sur ce qu'il pense de l'art contemporain, mais là n'est pas la question. Il soulève surtout ce point : on sait que "l'ironie fait partie du complot de l'art", pour reprendre encore Baudrillard, or nous connaissons dorénavant toutes les ficelles de cette ironie ; elle est devenue obligatoire.

D'ou ma question finale : à part ça, quoi de neuf ?
(à part la moitié de dix-huit ).

3 Comments:

Blogger benoit said...

Entièrement d'accord : j'ai dû mettre une bonne quinzaine d'années à lire Moby dick depuis le moment ou l'on me l'a offert, mais quand je l'ai lu, je ne l'ai pas regretté !!!! ;)

07 janvier, 2006 21:49  
Anonymous Anonyme said...

Ça fait seulement la 3e fois que je prétends vouloir laisser un comm', alors cette fois sera la bonne.

La planète a beau se faire déboiser de plus belle, et les idéaux paraître désuets, je m'entête encore à essayer de ne plus redescendre des arbres (qui n'ont pas cessé de croître en moi, malgré que certains se soient faits déraciner - mais ils avaient eu le temps de faire des petits) où je veux me tenir à la manière du Baron perché.

Il y a un bon moment que je ne l'ai relu, et ma 1ère lecture date de très loin (c'est loin, quand je n'arrive pas à dire depuis quand !). Pour qui fréquente la liberté depuis longtemps, peut-être que ce roman n'apportera qu'une légère impression de réconfort ou un vague plaisir, mais pour qui subit moult contraintes, le Baron perché sera un grand ami...

07 janvier, 2006 23:05  
Anonymous Anonyme said...

Cosmiquement d'accord, j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans Dostoïevski retraduit récemment, quelques années de lecture... Et quand je relis aujourd'hui plusieurs chef-d'oeuvres, dont l'idiot, je suis tout de suite avec Kurosawa... Preuve que Kurosawa est beaucoup plus malin que moi : il avait déjà senti, malgré la mauvaise traduction de l'époque, qu'il fallait filmer l'Idiot d'une certaine façon pour révéler ce roman au public. Et le traducteur, ne se serait-il pas inspiré de Kurosawa ? Je pose la question à un "voyant-visionnaire" comme Beubeu.
Un conseil : lisez Koselleck >>> c trop fun !
Pask

16 janvier, 2006 00:04  

Enregistrer un commentaire

<< Home